Macarena Rioseco Castillo (FR)

Universidad Metropolitana Ciencias de la Educación (UMCE) – Santiago, Chile
Page Web : www.macarenarioseco.com

Hard Edges (2016)

Rainbow (2016)

Bichromes (2016)

Titre : Fractals : Continuum chromatique – un groupe de 8 peintures au total composé de Hard Edges, Rainbow et Bichromes (6 peintures)
Dimensions : 100x100cm (chacune)
Année : 2016
Technique : Huile sur toile

Deleuze et Guattari s’intéressent aux arts non-discursifs ; pour eux, l’art «requiert une sémiotique de l’affect qui ne soit pas réductible au discursif» (Sauvagnargues 2013, p.18-19). Leur modèle est essentiel pour l’évolution de ma pratique. Les idées de Deleuze et Guattari inspirent fortement mon travail ; mes peintures résonnent à un niveau matériel et visuel avec certaines de leurs idées. Par exemple, le groupe de peintures présenté ici, Fractals: Chromatic Continuum, sont inspirées du «continuum virtuel» (DeLanda 2002, p.69) deleuzo-guattarien.
J’ai imaginé ces peintures en lisant la discussion de DeLanda à propos de ce concept d’un «continuum virtuel». Puisque je pense constamment en termes picturaux, je ne peux m’empêcher de penser à la continuité du spectre chromatique lorsque je lis à propos du continuum virtuel. DeLanda soutient que chaque structure naturelle forme un continuum de plusieurs structures différentielles intimement liées entre elles. À une certaine distance, nous percevons des limites, mais physiquement ces limites n’existent pas. Par exemple, la couleur du spectre chromatique, peut être différenciée en différentes couleurs (primaire, secondaire et tertiaire). Nous voyons ces couleurs, mais comme de légères vagues du spectrum, en différentiation des limites entre elles qui ne sont ni claires ni concrètes.

Fractals: Chromatic Continuum présente trois niveaux d’amplification de la dégradation d’un spectre continu de couleurs avec des mélanges qui lient les trois couleurs primaires. Ainsi, ce groupe de peintures présente trois cercles chromatiques. Les espaces picturaux sont divisés en plusieurs petits espaces, chacun rempli par un coup de pinceau monochrome, et pour cette raison, ils constituent des multiplicités de coups de pinceau. En vue d’approfondir ces œuvres, je vais citer DeLanda (ibid., p. 69-70 – les soulignés apparaissent dans le texte original) en ajoutant mes idées [entre crochets] : «[Ces peintures composent un] continuum qui mène, à travers une différenciation progressive [des couleurs primaires], toutes les discontinuités individuelles [càd chaque ton] du monde  ; ce continuum virtuel ne peut pas est conçu comme un espace topologique simple et homogène, mais plutôt comme un espace hétérogène peuplé de multiplicités [i.e. coups de pinceau monochrome], chacun étant un espace topologique en lui-même. Le continuum virtuel serait un espace des espaces où chacune des composantes spatiales a une capacité de différentiation progressive. En plus de cette multiplication des espaces, nous avons besoin d’agencer ces espaces dans un tout hétérogène. En fait, Deleuze conçoit le continuum virtuel comme un plan de consistance, en utilisant le terme «consistance» en un sens unique […] tout comme la synthèse hétérogène comme telle.

Dans Bichromes, l’utilisation des mêmes tons pour terminer une peinture et en débuter une autre relie les six œuvres. La progression des mélanges dans ces peintures va du rouge au jaune, au bleu, puis de retour au rouge, le tout se développant de manière subtile, par brisures, en étant organisé suivant une règle fractale de combinaison et présentant seulement une récursion du continuum chromatique. La gradation des couleurs de ce groupe n’est pas perceptible lorsqu’on regarde un détail, mais à une plus grande distance ce passage entre les couleurs apparaît.

Dans Rainbow, la même transition, organisation et récursion des mélanges entre les couleurs primaires est réalisée en une seule peinture, et ainsi, cela est fait en moins d’étapes, et la dégration est plus abrupte et évidente. Dans Hard Edges, la dégradation est organisée suivant la même règle de combinaison fractale, mais seulement produite entre les couleurs primaires et secondaires. Ainsi, la récursion du continuum entre les couleurs dans cette œuvre est produite plusieurs fois dans la même peinture. Ces trois œuvres créent trois plans de consistance, c’est-à-dire des espaces multiples, continus et hétérogènes d’espaces plus petits, monochromatiques et différenciés. Dans ces œuvres, le spectre chromatique est «mélangé dans un continuum […] créant des zones d’indiscernabilité qui fusionnent, formant un espace immanent et continu» (ibid. p. 22 – emphases dans le texte original)

Références :

DeLanda, Manuel (2002) Intensive Science and Virtual Philosophy. Reprint, London: Continuum.

Sauvagnargues, A. (2013) Deleuze and Art. Translated by Samantha Bankston, London: Bloomsbury Academic.